J’ai répondu au journal truc Aydinlik sur les leçons de cette crise au niveau européen et international.
Voici la traduction:
Sinan Baykent (SB) – Nous assistons actuellement à une pandémie qui abat absolument tout sur son passage, fu moins tout qui attrait au monde « ancien ». Le Covid-19 a mis en relief les lacunes et les incapacités de certains États à agir effectivement sur les situations de crise. D’après vos propos récents, vous pensez que la France, si je comprends bien, par le biais de son gouvernement actuel, fait partie de ces États-là. Est-ce correct ?
Marion Maréchal - Bien au-delà de la France, cette pandémie met à l’épreuve le modèle commercial et économique mondial à l’œuvre depuis des décennies.
Nous constatons que la division du travail mondial consistant à vouloir spécialiser chaque pays dans des secteurs spécifiques, en abandonnant les autres, expose nos nations à de grandes fragilités en cas de crise. La France notamment, a réduit son indépendance technologique, sanitaire, médicamenteuse, alimentaire, préférant déléguer cette production à la Chine ou aux pays émergents. Nous voyons bien aujourd’hui qu’une économie de service, même à haute valeur ajoutée, ne permet pas d’absorber les chocs. La « start-up nation », slogan utilisé par Emmanuel Macron, a montré ses limites en cas de pénurie et nous rend dépendance de l’étranger sur des produits de base.
SB – La situation est plus ou même semblable partout, on dirait...
C’est vrai, nous ne sommes pas les seules victimes de ce modèle. De nombreux pays africains souffrent également de la concentration de leur culture sur certains aliments. Cela contribue à leurs difficultés à nourrir correctement les populations locales. Sans parler que c’est un drame pour la biodiversité.
Cette crise devrait provoquer une prise de conscience politique, en particulier en Europe, pour organiser la relocalisation de certaines productions stratégiques, la diversification de chaque économie et la promotion des circuits-courts.
La complémentarité des pays de monde devrait se réaliser dans le partage de l’excellence plutôt que dans une course effrénée aux délocalisations, alimentée par la recherche du moins-disant social.
SB – Qui seront, selon vous, les grands perdants de cette crise sanitaire en France, lorsque tout sera fini ?
Marion Maréchal – Les grands perdants seront avant tout les artisans, les commerçants, les professions libérales, les indépendants. Ceux-là même, d’ailleurs, qui pour beaucoup ont endossé un Gilet Jaune en novembre 2018 et toute l’année qui a suivi. Cette mise à l’arrêt complète de l’économie va les frapper fortement et frapper fortement les très petites et moyennes entreprises. Il faut s’attendre à une augmentation conjoncturelle du chômage. L’enjeu dorénavant est de s’assurer que les aides nationales et européennes soient adaptées, ne se limitent pas à de simples garanties de prêts et aillent bien à l’économie réelle et pas seulement financière. Il faudra également que cette libération massive d’argent se fasse au bénéfice des investissements stratégiques d’avenir (santé, éducation, défense, agriculture, etc.) en ne se limitant pas à la seule question de l’hôpital.
SB – Les institutions de l’Union Européenne (UE) semble également être complètement dépassées par ce qui se passe. Des États comme l’Italie, l’Espagne ou encore la Serbie se sont ouvertement pleins de l’immobilisme européen durant cette crise. L’ensemble des peuples européens ne cachent plus leur mécontentement face au brouhaha que dégage Bruxelles. Selon vous, le Covid-19 va-t-il amener la fin du projet européen tel qu’on l’a connu ?
Marion Maréchal – Il est vrai que Bruxelles avec ses 10 000 fonctionnaires n’a pas été au rendez-vous ni pour coordonner les réponses, ni pour faciliter les solidarités, ni pour apporter une aide importante et rapide.
Mais l’Union européenne a organisé beaucoup d’interdépendances entre les Etats. Il est peu probable qu’elle s’effondre soudainement.