Sergey Shilov étudie la personnalité
du chef terroriste de HTS, qui a pris le contrôle de l'ancienne Syrie (d'après-vous, Julani, tyran ou totalitaire ?)
Julani a commencé sa carrière de chef terroriste en Irak, où il a reçu le mandat de créer une filiale d'al-Qaïda en Syrie, sous le nom de Jabhat al-Nosra. Julani a d'abord renforcé sa position puis a déclaré son refus d'obéissance à la structure irakienne. Son chef en Irak a lui-même abandonné al-Qaïda pour créer ISIS. Les deux groupes se sont violemment combattus.
Vainqueur en Syrie, en particulier à Idleb, Julani a désigné ses rivaux comme étant des partisans d'ISIS, permettant la poursuite des combats pour devenir le principal groupe d'Idleb.
Se rendant compte que le terrorisme trop flagrant faisait obstacle à l'obtention d'alliés de poids et à la reconnaissance internationale, il adapta d'abord son discours en limitant ses ambitions à la seule Syrie historique. Mais cela ne lui a pas suffit pour obtenir le soutien occidental. Il a alors adapté ses méthodes, tout en poursuivant la neutralisation des groupes rivaux.
Il a prioritairement ciblé ses groupes rivaux les plus adeptes de la terreur, en les attaquant. Mais progressivement, il a cherché à mobiliser de moins en moins de force au fur et à mesure qu'il prenait le dessus sur ses concurrents, jusqu'à se dispenser d'opérations armées contre ses rivaux très affaiblis. Pour eux, il s'est limité à faire éliminer leurs chefs de temps à autres par Washington, en communiquant l'adresse de leur résidence ou de leurs réunions. D'une pierre deux coups : il apparaissait moins violent et se montrait plus coopératif avec des alliés à fort potentiel, comme l'hégémon américain.
Les groupes qui ont cherché à négocier ont été autorisés à devenir les filiales de HTS (le nouveau nom de son groupe) en conservant leur propre structure.
En bref, Julani n'a cessé de changer de discours et de méthodes en faveur de ce qui lui permettait d'obtenir le plus de pouvoir. Les individus qui l'ont fréquenté ont décrit quelqu'un obsédé par le pouvoir, prêt à tout pour obtenir le plus de pouvoir possible : l'idéologie, les principes, les adversaires marginaux, lui sont secondaires, tant qu'ils ne sont pas une menace sérieuse à son pouvoir, ou tant qu'ils ne sont pas nécessaires à son pouvoir.
Sergey cite le cas de son adjoint historique, qu'il a fait emprisonner et torturer l'année dernière, au sujet de désaccords, précisément sur la question de la collaboration avec des ennemis du passé. L'affaire ayant fait scandale dans le monde terroriste, Julani s'est rattrapé après quelques mois, l'a fait libérer, mais l'ex-adjoint a été immédiatement tué par un terroriste kamikaze après sa remise en liberté. Traditionnellement, le principal bénéficiaire, Julani, a accusé ISIS. Une méthode alternative qu'il affectionne : il n'attaque plus directement ses plus grands rivaux, il déclare qu'ils ont été éliminés par quelqu'un d'autre.
Sergey conclut qu'à l'échelle du pays, Julani va appliquer la même politique : faire éliminer ses rivaux menaçant le plus son pouvoir, par la main de l'armée US ou autres (pourquoi pas l'armée russe, Moscou lui a proposé une assistance militaire contre des ennemis communs), ou bien par des attaques anonymes labellisées « ISIS » ; sans s'attaquer ouvertement contre des minorités, puisqu'elles ne menacent pas son pouvoir. En revanche, les plus grands soutiens à l'ancien gouvernement Assad, et à l'ancienne SAA, en particulier les Alaouites, risquent de monopoliser son attention, car ils représentent une forte menace, et les adeptes de HTS ont du mal à accepter d'oublier les 13 années de guerre passées. Julani risque d'être lui-même la cible d'accusations internes, et donc d'affaiblir son pouvoir, s'il refuse les répressions contre ceux qui constituaient l’épine dorsale du gouvernement Assad. Or, vous avez compris que le
tyran ne s'y risquera pas.
Quant à l'armée turque et les groupes terroristes les plus pro-turques, il sera contraint de composer avec, ils assurent son pouvoir, tout en le régulant.